Vladimir Nabokov, Chambre obscure, Les Cahiers Rouges, Grasset, 2003

Voici un autre ouvrage emprunté à la médiathèque de mon quartier et qui m’a permis de découvrir cet auteur d’origine russe, devenu américain après avoir dû fuir l’invasion de la France par les nazis (il vivait à Paris en 1940).

Il décrit ici avec brio la descente aux enfers d’un homme ordinaire rendu littéralement fou d’amour pour une femme-enfant sans scrupules, fatale. Très vite tout dérape pour Bruno Kretchmar, marié à la douce Anne Lisa et père d’une petite fille…un bonheur simple, un peu monotone… qui vole en éclat lorsqu’il aperçoit Madga, 16 ans, pulpeuse et rouée à souhait.

La perte de sa femme, la mort de sa fille n’y feront : il se perdra lui aussi totalement, irrémédiablement !

Vladimir Nabokov dépeint donc avec beaucoup précision et de vérité ce terrible engrenage qui emporte son « héros », mené par une passion qui le dépasse, qui l’aveugle (jusqu’à ce qu’il le devienne réellement, physiquement) : les premiers émois pour lesquels il se sent bien un peu coupable, comprenant à peine ce qui lui arrive, jusqu’à ce qu’il franchisse la limite et ne puisse plus revenir en arrière, le tout teinté d’une dose certaine de lâcheté.

C’est sombre, désespérant, et l’on sent bien également que l’auteur fait preuve de cynisme envers ses personnages : il ne les regarde pas avec un œil particulièrement bienveillant, en tout cas en ce qui concerne Bruno Kretchmar, Magda ou Horn (le trio infernal) et nous invite ainsi à prendre une certaine distance vis-à-vis d’eux. La pitié et la tendresse sont, -peut-être comme de juste- du côté des véritables victimes de ce drame, sa femme Anne Lisa et leur fille Irma…