Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'aventure des mots
9 juin 2014

Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Babal Essai, 2013

vers la sobriété heureuse« (…) c'est la beauté de la nature, de la vie, et de l’œuvre de l'homme dans sa dimension créatrice, qui devra nous inspirer tout au long des voies nouvelles que nous emprunterons ».

Humaniste, écologiste, Pierre Rabhi nous invite dans cet essai à une méditation sur notre manière de vivre, mais pas seulement une méditation : il nous invite aussi à l'action pour rendre concret dans notre quotidien un nouveau mode de vie.

Il s'insurge, en vérité, contre un monde où les dictats de la finance et du temps ont pris possession de nos existences.

 

Il écrit : « L'heure a sonné de celui des horloges et des montres (…), a sonné avec ses minutes, ses secondes...Ce temps nouveau a pour dessein d'abolir toute « perte de temps » et (…) l'indolence est tenue pour paresse ».

ou « Les rythmes sont frénétiques, le manque de temps permanent. C'est une machine qui harcèle le citoyen et distille en lui une insidieuse anxiété, le tétanisant, infligeant raideur et douleur à un corps sans cesse malmené par ses desiderata quotidiens : du haut en bas de la hiérarchie sociale, ce ne sont qu'êtres dont la vie est,jusqu'à son terme, dévolue à la productivité »

ou encore : « Il est navrant et révoltant de voir le patrimoine vital de l'humanité et des innombrables créatures qui partagent son destin être sans vergogne, subordonnés à la vulgarité de la finance ».

Quant à notre sur-consommation...

« Le consommateur est à l'évidence le rouage d'une machine qui produit toujours plus. Maniant l'aiguillon crétinisant d'une publicité omniprésente, elle joue avec le consommateur et s'en joue, telle une courtisane usant de ses charmes trompeurs, lui promettant des jouissances toujours plus extatiques ».

Pierre Rabhi fait aussi ce constat terrible :

« Aujourd'hui, c'est le désenchantement, la fin des illusions pour un nombre grandissant de citoyens des nations dites prospères. Ce long processus d'aliénation débouche à présent sur un double exil : l'être humain n'est plus ni relié à un véritable corps social, ni enraciné dans un territoire. La mobilité est devenue une condition sine quanon pour conserver un emploi. A la culture vivante s'est substitué l'encyclopédisme, un amas de connaissances et d'informations dignes des jeux télévisés, qui ne construisent rien d'autre que des abstractions et ne procurent pas une identité culturelle originale, reliée à quoi que ce soit et pérenne. Tout est de plus en plus provisoire et éphémère au cœur d'une frénésie en évolution exponentielle, transformant les humains en électrons hyperactifs, produisant et subissant un stress dont on sait qu'il est à l'origine de graves pathologies ».

Que prône l'auteur ? Une mise en valeur d'une vie simple, écartant les artifices d'un mode de vie moderne et déshumanisé, « dé-naturisé », oserais-je écrire, auquel malheureusement, les pays en voie de développement rêvent de s'adonner avec autant d'inconscience que nous...Véritable défi que de vouloir « vivre autrement » et surtout véritable défi que d'agir en ce sens au quotidien en faisant des choix à contre-courant.

Ainsi, Pierre Rabhi témoigne de ses propres choix de vie, réalisés avec le soutien indéfectible de sa femme. En 1961, ils achètent une ferme et un lopin de terre, jugés comme non rentables, inexploitables. Mais ce n'est pas cela qui motive le jeune couple : les lieux sont magnifiques et propices aux pratiques qu'ils souhaitent développer. Partant d'une situation proche de pauvreté et du dénuement -pas d'eau courante, pas d'électricité, entre autre-, à force de volonté, ils créent le havre de paix dont ils rêvaient, et ce dans le respect de l'environnement et de l'humain.

La sobriété heureuse, voilà pour Pierre Rabhi, une des solutions à adopter ! Moins consommer à tort et à travers, moins gaspiller des ressources qui ont leur limite, se détacher du bonheur factice que nous promet l'acte de consommer, résister aux sirènes perverses des médias nous imposant publicités et émissions abrutissantes, veiller au bien-être de ceux qui nous entourent, comme à notre propre bien-être...

Il note que : « Ce qu'on appelle aujourd'hui « économie » est devenue l'art subtil de faire de la prédation une science dont la complexité permet de justifier la place considérable dévolue au superflu, alors que le mode d'existence traditionnelle semble être une sorte d'optimisation de l'art de vivre ensemble avec simplicité. »

Cela n'induit pas qu'il soit passéiste. Non, l'auteur s'emploie plutôt à cultiver de nouvelles voies, constatant que l'humanité court à sa perte en exploitant à outrance toutes les ressources de notre belle planète. Sans oublier tous les laissés pour compte d'un système qui ne privilégie que la recherche de profits et ne favorise que ceux qui en connaissent toutes les arcanes et savent comment faire fructifier leurs avoirs...sur le dos des autres, c'est entendu !

On peut le juger utopiste et idéaliste, mais par son retour à la terre, par son goût pour le vrai, le simple, le sincère, et la réalisation très concrète de ses idées, cet humaniste prouve qu'avec une véritable détermination, il est possible d'échapper -dans une certaine mesure- aux pressions de la mondialisation, de l'argent-roi, du virtuel qui a pris le pas sur le réel, d'un temps où chaque seconde compte (d'un point de vue financier, bien sûr!). La possession effrénée de biens matériels ne pourra jamais combler des existences devenues, en partie, vides de sens...

Ainsi : « Si l'on veut instaurer sur notre planète commune une équité inspirée par des impératifs moraux, on est amené à dire que, tant que l'ensemble des êtres humains n'a pas accès aux ressources vitales, il y a spoliation. Tant qu'un seul enfant naît dépourvu de ce qui lui revient légitimement en tant qu'être vivant, il y a usurpation car les biens venus de la terre, qui sont encore abondants, sont dédiés à tous les êtres vivants qu'elle héberge et non à ceux qui, par le pouvoir politique, la loi du marché, les finances ou les armes, s'en attribuent la légitimité. »

Rien n'est perdu d'avance. Pierre Rabhi en est convaincu : l'être humain peut encore infléchir le cours des choses.

Qu'attendons-nous ?

Publicité
Publicité
Commentaires
L'aventure des mots
Publicité
Publicité