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L'aventure des mots
18 janvier 2014

Rachel Cusk, Contrecoup, Editions de l'Olivier, 2013

contrecoupEgalement lu dans le cadre du comité de lecture sur le thème du « quotidien » :

Rachel Cusk nous livre ici, dans ce texte autobiographique, des fragments de son expérience et de sa vision de l'existence après son divorce.

Son regard se porte essentiellement sur le mariage et ses codes, ses rouages, les illusions qu'il génère et que cultivent volontairement les deux protagonistes...

Elle mène, par ailleurs, des réflexions fort intéressantes sur l'état de divorcée, de mère célibataire avec deux enfants...Notamment, l'idée très vraie, je trouve, d'être comme projetée « hors de la maison », observant par la fenêtre ceux qui sont demeurés à l'intérieur, car poursuivant leur vie de couples mariés, leur vie de famille. Se séparer induit que l'on ne fasse plus partie d'une certaine « normalité », même dans une société comme la nôtre (la société occidentale) où ce type d'événement devient banal. C'est une traversée du miroir, c'est se trouver obligé(e) de regarder ce qui a fait notre quotidien sous un angle totalement différent. Le plus difficile étant peut-être d'admettre ce que l'on découvre...

Extraits : Ceci fait référence à un état des choses avant la séparation « Avoir à la fois la maternité et le travail revenait à avoir deux vies plutôt qu'une, c'était un raffinement fascinant de l'expérience historique féminine, et à ceux qui se plaignaient que tout avoir est synonyme de tout faire, j'aurais répondu, oui, bien sûr, c'est cela que ça veut dire. On obtient pas « tout » sans rien. « Tout avoir », comme n'importe quelle forme de succès, exige un effort soutenu. Cela exige d'adopter un mode de vie héroïque. Mais l'héroïne est solitaire, à jamais en quête du Saint Graal, et sa conviction qu'elle est exceptionnelle n'est peut-être qu'une mascarade pour cacher le fait qu'elle est fondamentalement seule. »...

Etant bien plus jeune, voilà ce que pensait l'auteure à propos du mariage : « Le mariage m'apparaissait comme un engoncement, une mise sous corset, et à mes yeux, la contrainte était masculine ; d'après moi, les hommes imposaient cette structure, afin de rendre la femme indisponible, et avec elle, les quantités d'amour et de chaleur, qui autrement, auraient pu être déversées librement sur le monde. Mais les hommes offraient un refuge et de l'argent : je comprenais qu'une femme ne puisse tout simplement pas s'affranchir, emporter son amour, sa chaleur, et aller voir ailleurs. »

Et voici quelques constats, après le divorce : « J'en veux au christianisme -autant que je puisse en juger, c'est la source de nos problèmes. La sainte famille, cette unité pieuse, qui a sucé jusqu'à la moelle l'attention du monde tout en reprochant à ce dernier son égoïsme, qui a réveillé sa violence, puis, dans une orgie d'autoglorification, l'a condamné à la honte éternelle, qui a condamné la civilisation à deux millénaires de malhonnêteté institutionnalisée ; (…). Au parc, je les observe de sous mes paupières plissées, ces héritiers bien organisés de la piété chrétienne. Ils ont soustrait tout ce qui rendait la vie amusante : les rabat-joie ! (…). Aujourd'hui, ces hommes et ces femmes ne peuvent pas traverser un parc public sans mettre un casque de protection. (…). La famille a été réinventée sous la forme d'un culte à la sentimentalité et aux apparences ; elle est devenue une image, faite pour voiler la réalité -l'étable et son humilité factice, les anges et les bœufs, la crèche où les rois viennent se prosterner, les « parents » pleins d'adoration réunis autour du bébé- une image du culte de l'enfant, de la maternité bénie sans ambivalence, de la masculinité dégonflée et de l'impuissance paternelle. Et on nous la glisse encore dans la boîte aux lettres du XXIe siècle ; je me promets de n'envoyer aucune carte de vœux cette année »...

Je pense que pour Rachel Cusk, le but de cet ouvrage, au-delà du fait de pouvoir exprimer son vécu, est essentiellement une dénonciation de cette sacro-sainte structure que constitue à nos yeux (de par notre éducation essentiellement) le mariage. Elle « démonte » sa structure, sa raison d'être. Que le lecteur (la lectrice, car je pense que cette lecture intéresse et interpelle sans doute doute plus le lectorat féminin) soit en accord ou non avec sa propre vision de cette institution, il ou elle ne peut être que frappé(e) par la justesse des arguments. De mon côté, je l'ai été.

A contrario, j'adhère beaucoup moins à l'intrusion dans la dernière partie, appelée « Trains », du « récit » d'une jeune fille au pair assistant au naufrage du mariage de l'auteure. Je n'ai pas bien compris quel est l'intérêt de prendre cette vision « externe », de manière un peu abrupte et totalement inattendue. A tel point, qu'à la lecture des premières pages de cette partie, je me suis réellement demandé, ce que ce passage venait faire là...En somme, intéressant, mais sans plus.

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