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L'aventure des mots
19 octobre 2013

Chantal Thomas, Les Adieux à la reine, Points, 2006

les adieux à la reine12 février 1810. La ville de Vienne frissonne dans l'étau d'un hiver glacial, comme la vieille dame qu'est devenue Agathe qui se sent glacée jusque dans ses os. A la suite d'un dîner avec de vieux amis, d'irréductibles amoureux d'un temps à jamais disparu après la prise de la Bastille, elle décide de coucher ses souvenirs sur le papier...

De fait, Agathe, dans ces jeunes années, était une des lectrices-adjointes de Marie-Antoinette...Petite personne subalterne vivant ainsi dans le décor fastueux de Versailles, mais surtout gravitant dans l'ombre de la reine. Une reine qui fascine et émerveille la jeune fille...

Ce sont, en vérité, les événements des 14, 15 et 16 juillet 1789 qui sont contés ici. Ils sont décrits comme « vus de l'intérieur », c'est-à-dire depuis le petit monde de la Cour de Versailles. En effet, les membres de cette Cour, comme les centaines de petites mains qui oeuvrent derrière les murs du château, dans ses jardins et au Petit Trianon, ne vont prendre la mesure de la « catastrophe » qu'au fur et à mesure des heures qui succèdent à la prise de Bastille, oscillant entre espoirs fous et terreur...

Agathe raconte par le menu ces trois journées qui vont voir le basculement de la royauté et celui de sa propre vie. Elle décrit également son amour indéfectible pour la reine, elle, si négligeable à côté de sa « déesse »...

Adapté au cinéma dans un assez beau film de Benoît Jacquot, ce roman a le mérite de présenter la Révolution d'un point de vue tout à fait inédit. L'auteure apporte, de plus, une multitude de détails sur la vie à Versailles, mais aussi sur les mœurs de l'époque. On apprend par exemple que le domaine baignait sans cesse dans une odeur pestilentielle qui s'accentuait lors des fortes chaleurs -il est vrai que la construction de Versailles a nécessité l'assèchement d'une importante zone de marais-, qu'il pullulait de rats, de puces, de vermines en tout genre...Nous découvrons aussi, bien évidement, toutes les subtilités du protocole très strict qui réglait le vie de chacun à la Cour.

Chantal Thomas montre également également la fragilité et les limites du pouvoir : lorsque le vent tourne, les « fidèles » amis, les courtisans toujours en quête d'une faveur s'enfuient lâchement, abandonnant sans scrupules leurs anciens bienfaiteurs...abandonnant leurs gens, parfois mêmes leurs propres enfants dans la débâcle.

Elle s'attache aussi beaucoup à décrire Marie-Antoinette, sa vulnérabilité, son amitié passionnelle pour Gabrielle de Polignac, son désarroi, sa frivolité, son courage ou ses colères. Un femme, en somme, imbue certes de sa personne, de son rôle, mais modelée depuis sa plus tendre enfance, pour le tenir ce rôle. Une reine, un roi et un nombre infini de satellites évoluant autour d'eux, dans un univers paraissant éternel, où chacun tenait sa place et croyait à son bon droit, aux prérogatives de son rang, loin des vicissitudes quotidiennes du bas peuple...

Un roman historique original et saisissant de réalisme.

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