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L'aventure des mots
22 mai 2012

Daniel Arasse, Léonard de Vinci, Bibliothèque Hazan, 2011

Léonard de VinciLoin d’être une « simple » biographie ou l’étude d’un point de vue iconographique et stylistique des œuvres de Léonard de Vinci, cet ouvrage a pour ambition de nous révéler les différentes facettes de ce génial « touche à tout ». 

De fait, Daniel Arasse, grand spécialiste de l’art décédé en 2003, a donné un sous-titre à ce volume : « Le rythme du monde »  et partagé sa réflexion entre deux grandes parties, l’une consacrée à l’état d’esprit supposé du maître et aux recherches scientifiques et  esthétiques qui en découlent, l’autre exclusivement à son travail de peintre.

Ainsi, l’auteur cherche à comprendre la démarche intellectuelle dans laquelle Léonard de Vinci s’inscrit, ainsi que les motivations profondes qui l’animent. Selon lui, Léonard veut comprendre le « rythme du monde » et s’en imprégner, même, le retranscrire dans chacune de ses œuvres, qu’elles soient picturales, architecturales, à but militaire, faisant appel à ses capacités d’ingénieur, d’inventeur…

 

Extrait : « (…), Léonard s’intéresse surtout, comme dans le domaine scientifique, à l’analogie des lois qui régissent conjointement la nature et l’architecture. Respectant et exploitant la « Nécessité »  (c’est-à-dire les lois des « quatre » puissances de la Nature : poids, mouvement, force et percussion), l’architecture fonctionne comme une « machine » : elle est un jeu de forces en équilibre. La solidité de l’édifice, sa « santé », tient à la capacité de ses membres à résister à ces forces et à les transmettre, l’ensemble constituant un jeu de poussées et contre-poussées. Léonard en arrive ainsi à imaginer des formes promises, bien plus tard, à un bel avenir, tel l’arc inversé dont il esquisse le principe… ».

D’après Daniel Arasse, pour Léonard de Vinci, tout est lié : le microcosme et le macrocosme, le corps humain est comparable à l’univers, et l’univers au corps humain. Tout est vie et en perpétuelle évolution.

Il veut saisir le principe de toute chose, son essence en quelque sorte, allant par exemple jusqu’à disséquer des cadavres (pratique encore peu répandue, car taboue, à l’époque) pour comprendre ce qui nous constitue (les muscles, les tendons, les articulations, les os, les organes, etc) et comment, surtout, tout cela s‘agence, fonctionne, s’anime.

Les croquis, dessins et peintures, dont seule une petite partie nous sont parvenus, reflètent la même démarche alliée à un souci d’expérimentations et d’innovations. Beaucoup sont inachevés. Daniel Arasse en conclut que l’artiste, outre les aléas des commandes et des événements indépendants de sa volonté, n’est peut-être pas toujours parvenu au résultat escompté.

Sans oublier que certaines œuvres se sont rapidement abîmées, « victimes » justement l’expérimentation de nouvelles techniques picturales. Elles pouvaient s’avérer au final plutôt désastreuses, à  l’instar de la rapide dégradation de La dernière Cène

 

Extrait : « (Le) rythme intérieur de la création, et la nécessité de la suivre, constituent une donnée essentielle de la production léonardienne. Elle conduit à une pratique extrême dont on ne trouve pas, semble-t-il, d’équivalent chez ces contemporains : il emporte avec lui les œuvres dont la gestation ne lui paraît pas aboutie, plutôt que de les laisser sur place, inachevées, pour que le commanditaire les fasse éventuellement finir par un autre. Apparue dès le début des années 1480 avec le Saint Jérôme, cette exigence, toute « moderne » dans sa conception de la relation entre l’œuvre et son créateur a conduit en France Mona Lisa et Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant – mais on lui doit sans doute aussi la perte de la Léda à laquelle Léonard travaillait à Rome. »

D’une écriture dense et érudite, l’auteur nous fait ainsi part de sa vision de Léonard de Vinci. Vision cohérente, crédible et qui ne peut que susciter notre adhésion, mais il demeure une aura de mystère autour de cet incomparable artiste.

Il est vrai que nous savons peu de choses sur sa vie et, sans doute, qu’aussi brillants que puissent être les historiens de l’art passés, présents ou futurs, il ne sera jamais possible de comprendre totalement qui était Léonard de Vinci.

Si la lecture de Matthew Landrus, Les trésors de Léonard de Vinci (cf. mon commentaire de lecture du 24.01.2008) fut un amuse-bouche, ce présent volume m’a permis d’élargir mes connaissances et il est passionnant !

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