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L'aventure des mots
23 avril 2012

John Burnside, Les empreintes du diable, Métailié, 2008

les-empreintes-du-diable-john-burnside-9782864246367Extrait : « En ce matin d’hiver d’il y a bien longtemps, les premiers levés, boulangers et marchands d’accastillage, femmes sortant chercher du charbon, pêcheurs qui ne prenaient pas la mer ce jour-là mais s’étaient réveillés par habitude ou par impatience, furent les premiers témoins de ce que, plus tard, la ville entière décida d’appeler « Les Empreintes du diable », désignation qui non seulement perdura, mais qui constituait en outre, pour des raisons jamais admises, même en leur for intérieur, une description aux évocations fantasques qui resterait à tout jamais, pour les gens de l’extérieur aussi bien que pour la descendance locale, voilée d’incrédulité ou d’ironie. Les Empreintes du diable : un titre, tel celui d’un cantique ou d’un livre emprunté à la bibliothèque par un après-midi de pluie et relégué plus tard comme un ramassis de sornettes ; une formule jamais énoncée qu’en tant que citation, pour peu qu’elle le soit, comme si l’appellation attribuée par leur soin à ce qu’ils avaient vu leur avait été envoyé du tréfonds de l’au-delà, de même que ces traces dans la neige, des traces nettes, noir d’encre, laissées par quelque créature aux pieds fourchus, quelque être qui non seulement était allé sur deux jambes par les rues et les venelles d’un bout de la ville à l’autre, mais avait aussi escaladé leurs murs et traversé leurs toits pentus bordés de redents, poursuivant une trajectoire rectiligne au travers de leur territoire endormi. Plus tard, ils se pencheraient sur ce phénomène, cherchant une explication qui leur permette de retourner, sereins et bienheureux, à leurs fours, filets et éviers, et découvriraient que les traces commençaient sur la grève, juste au-dessous du petit cimetière situé à la sortie ouest du bourg, comme si la créature avait émergé des vagues, franchi l’étroite plage lavée par les marées où la neige avait tenu, puis en silence, à grands pas décidés, avait remonté James Street, grimpé sur le toit de l’église pour ensuite redescendre en sautant au-dessus du filet d’un torrent qui traversait Coldhaven par le milieu et départageait ainsi l’ouest et l’est de la ville, longé Cockburn Street et escaladé les maisons dans Toll Wynd avant de décamper plus loin dans les champs, vers l’arrière-pays, où personne ne prit la peine de suivre. »

 

Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas là d’un roman fantastique. Les empreintes du diable ne constituent qu’un « prétexte » au récit qui se déroule dans ce petit bourg écossais.

De fait, le véritable déclencheur de cette histoire, contée par son principal protagoniste, Michaël Gardiner, c’est la mort d’une femme du village, Moira Birnie et de ces deux enfants, deux petits garçons encore trop jeunes pour fréquenter les bancs de l’école.

Ce qui va intriguer le héros de cette histoire, ce n’est pas tant que Moira se soit donner la mort en y entraînant sciemment une partie de sa progéniture, mais c’est le fait qu’il l’ait connue, qu’il soit sorti un temps avec elle, quelques quinze ans plus tôt, et qu’elle est laissé vivre son aînée, Hazel, abandonnée sur un sentier avec quelques effets, le matin du drame…

Le doute s’installe dans l’esprit de Michaël : et si Hazel était sa fille ? Et s’il se devait de la protéger d’un « père » ivrogne et potentiellement violent qui serait à l’origine du terrible geste de sa mère ?

Une sorte de folie douce et temporaire s’empare alors de Michaël, lui si paumé au milieu d’une existence qu’il laisse glisser sur lui, comme indifférent. Et tant pis, si son union avec la jolie Amanda, qui s’étiole déjà depuis quelques temps, sombre corps et âme en raison, en partie du moins, de la tempête intérieur qu’il subit.

Peut-être, lui l’adolescent meurtrier qu’il a été, l’adulte inconsistant qu’il est devenu, finira par trouver ses propres réponses et un semblant de paix…

Dans l’ensemble, j’ai trouvé ce récit moins réussi et moins captivant que celui de Scintillations (cf. mon commentaire de lecture du 6 avril dernier). L’adolescence, ses débordements, sa violence, fascinent John Burnside et il sait les restituer avec brio tout comme les interrogations existentielles de son héros, mais il manque ici, toutefois, le souffle et la force qui habitent Scintillations.

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Commentaires
E
Je viens de finir "Un mensonge sur mon père" et j'avais lu l'an dernier "ne vie nulle part".Cet auteur est très puissant ans son évocation de la jeunesse et du pays.Assez brutal mais un souffle authentique.J'ai chroniqué les deux.
L'aventure des mots
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