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L'aventure des mots
21 septembre 2008

Stephen King, La tour sombre 5, Les loups de la Calla, Editions France Loisirs, Edition illustrée, 2005

tour sombre 5

Je viens de finir la lecture du cinquième tome des aventures de Roland et de ses compagnons de fortune ou d'infortune et l'histoire est toujours aussi passionnante !

Extrait : «  Les flambeaux diffusaient une lueur orange. Roland se tenait dans leur lumière, désarmé et aussi mince qu'un jeune homme. Pendant un temps, il se contenta de contempler les visages silencieux et attentifs et Eddie sentit la petite main froide de Jake se glisser dans la sienne. Pas besoin de demander au garçon ce qu'il ressentait, car Eddie ressentait exactement la même chose. Jamais il n'avait vu un homme à l'air si seul, si détaché du cors de la vie des hommes, avec leur chaleur et leur camaraderie. Le voir ici, en ce lieu de fiesta (car c'était bien là une fiesta, quel que fut le désespoir qui l'avait suscitée) ne faisait que souligner ce qu'il était vraiment, au fond : il était le dernier. Il n'y en avait pas d'autre que lui. Si Eddie, Jake, Susannah et Ote étaient effectivement de sa lignée, ils n'étaient que des ramifications secondaires, éloignées du tronc. Une poussée de sève tardive, en quelque sorte. Tandis que Roland…Roland…

Chut, s’admonesta Eddie. Ne pense pas à ces choses là. Pas ce soir.

Lentement, Roland croisa les bras sur son torse fin et étroit et amena la paume de sa main droite contre sa joue gauche, et la paume de sa main gauche contre sa joue droite. Ce qui pour Eddie voulait dire que dalle ; en revanche, la réaction des sept cents spectateurs de La Calla fut immédiate : un grondement de joie et d’approbation monta de l’assemblée, bien plus puissant que des applaudissements.

 

(…)

 

Il (Roland) resta debout quelques instants dans la lueur orange, comme s’il reprenait des forces, puis il se mit à exécuter une danse qui tenait autant de la gigue que du numéro de claquettes. Il commença doucement, très doucement, alternant talon et bout de pied, talon et bout de pied. Ses bottes répétaient sans arrêt ce coup de poing sur un cercueil, mais à un rythme bien particulier. Juste un tempo, pour commencer. Puis, à mesure que les pieds du Pistolero gagnaient en vitesse, ce fut plus qu’un simple tempo : ce fut une sorte de swing. C’est le seul mot qui vint à l’esprit d’Eddie, le seul qui lui parût approprié.

Susannah s’approcha d’eux dans son fauteuil. Elle avait les yeux écarquillés et un sourire ébahi sur les lèvres. Elle se tenait, les mains serrées sous la poitrine.

Oh Eddie, soupira-t-elle. Tu savais qu’il était capable de faire ça ? Tu en avais la moindre idée ?

Non, répondit Eddie. Pas la moindre.

 

Les pieds du Pistolero dansaient de plus en plus vite, dans ses vieilles bottes élimées. Plus vite. Le rythme se faisait de plus en plus limpide,

 

(…)

 

Autour d’eux, les gens se mirent à taper des mains, non pas en rythme, mais sur les temps faibles. Ils commençaient aussi à se balancer. Les femmes qui portaient des jupes les tirèrent devant elles et les firent tourner. Jake contemplaient les visages, des plus jeunes aux plus vieux, et il y lut la même expression : celle de la joie à l’état pur. Pas seulement, se dit-il, et il se rappela une expression que son professeur d’anglais avait employée, pour décrire l’état dans lequel peut plonger la lecture de certains livres : l’extase de l’adéquation parfaite.

Le visage de Roland miroita bientôt de sueur. Il décroisa les bras et se mit à taper des mains. A ce signal, les habitants de La Calla commencèrent à scander un mot en rythme : Comme ! …Comme !...Comme !

 

(…)

 

Sur la fin, Eddie fut bien incapable de retracer les paroles de la « Chanson du Riz ». Pas à cause du dialecte, pas du fait de Roland, mais parce qu’elles allaient beaucoup trop vite pour qu’il pût les suivre.

(…)

 

Et tout le long, les pieds de Roland martelèrent leur rythme enchanteur sur le plancher de l’estrade, tout le long, la foule tapait des mains et scandait Comme, comme, comme, comme.

 

 (…)

 

Et soudain, à un signal que ni Eddie, ni Susannah, ni Jake ne perçurent, Roland et les folken de La Calla s’interrompirent au beau milieu d’un couplet, levèrent les bras au ciel, donnèrent un violent coup de hanche vers l’avant, comme en plein coït.

- COMMALA ! hurlèrent-ils en chœur, et tout s’arrêta net.

Roland vacilla, les joues et le front tout ruisselants de sueur…et il bascula de la scène, s’effondrant dans la foule.

Le cœur d’Eddie fit un bond monumental dans sa poitrine. Susannah poussa un cri et se précipita en avant avec son fauteuil. Jake l’arrêta en saisissant une des poignées latérales.

Je pense que ça fait partie du spectacle !

 

(…)

 

La foule poussa des hourras et se mit à applaudir à tout rompre. On fit passer Roland de bras en bras au-dessus du public. Lui levait les bras vers les étoiles. Sa poitrine se soulevait comme un soufflet. Eddie considéra le Pistolero avec une sorte d’incrédulité hilare, le voyant rouler comme sur la crête d’une vague.

Roland qui chante, Roland qui danse, et, pour couronner le tout, Roland qui nous fait une impro à la Joye Ramone.

De quoi tu parles, trésor ? demanda Susannah.

 

Eddie secoua la tête.

- Aucune importance. Mais il ne peut plus rien arriver de mieux. C’est forcément la fin de la fête.

Et c’était bien le cas. »

 

Je le confirme : ce fut la fin de la fête…

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