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L'aventure des mots
18 mai 2008

Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, Editions Stock, 2005

la petite fille de m linh

Bien que ce roman m’est un peu moins enthousiasmée que les Ames grises ou le Rapport de Brodeck, j’y ai goûté une fois plus tout le talent, la force d’écriture de Philippe Claudel. L’histoire est sombre (la petite, comme la grande), mais c’est avant tout l’histoire d’un vieil homme, déraciné, loin de sa terre, loin de tout ce qui a fait sa vie, seul, et l’histoire d’une improbable, mais non moins forte et merveilleuse amitié au-delà des barrières de la langue et de la culture ; une amitié juste fondée sur le cœur, la force des regards et des gestes, la tolérance, la compassion… 
Tout sonne juste et nous saisit à la gorge. En même temps, se dégage de ce court récit une poésie douce-amère qui me touche beaucoup. Sans compter, le dénouement surprenant, mais tellement dans l’esprit de tout le reste. Quasi logique. Décidément, Philippe Claudel, son style, sa manière de disséquer l’âme humaine, me transportent…

 

Extrait : « Monsieur Linh fait signe à son ami de le suivre. Il quitte le sentier et s’enfonce dans la forêt. Le dernier soleil dépose ça et là des pièces d’or sur le tapis de mousse, et soudain, jaillissant de cette mosaïque verte mêlée de feu, une source apparaît. Elle naît entre deux pierres et son eau qui s’élance suit cinq directions, comme si elle dessinait la forme d’une main tendue et de cinq doigts écartés, une main ouverte, une main offerte. Les cinq filets d’eau disparaissent ensuite dans le sol, quelques pas plus loin, aussi miraculeusement qu’ils étaient venus à la lumière.

 « Cette source n’est pas une source ordinaire, dit Monsieur Linh au gros homme. On raconte que son eau a le pouvoir de donner l’oubli à celui qui la boit, l’oubli des mauvaises choses. Lorsque l’un d’entre nous sait qu’il va mourir, il s’en va vers la source, seul. Tout le village sait où il va, mais personne ne l’accompagne. Il faut qu’il soit seul à faire le chemin, et seul à s’agenouiller ici. Il vient boire l’eau de la source et aussitôt qu’il l’a bue, sa mémoire devient légère : ne restent en elle que les jolis moments et les belles heures, tout ce qu’il y a de doux et d’heureux. Les autres souvenirs, ceux qui coupent, ceux qui blessent, ceux qui entaillent l’âme et la dévorent, tous ceux-là disparaissent, dilués dans l’eau comme une goutte d’encre dans l’océan. »

… »

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